Article publié dans http://www.cafepedagogique.net
Par Christophe Gremion et Samuel Heinzen
"On apprend en réseau, on apprend par le
réseau, en en faisant partie, en y participant et en le créant". Du 9 au
11 février, Clair 2012 a réuni au Canada des enseignants et des cadres
éducatifs particulièrement attentifs aux usages pédagogiques des
nouvelles technologies. Particulièrement innovants aussi. Seuls
francophones européens à assister à cet événement, Christophe Gremion et
Samuel Heinzen, professeurs à la Haute Ecole Pédagogique de Fribourg
(Suisse) réservent aux lecteurs du Café leurs réactions et leurs
analyses sur un événement très en avance sur le quotidien des
établissements francophones européens.
L’intégration
des nouvelles technologies (NTIC) dans les pratiques pédagogiques a été
le cœur palpitant des 3 jours du colloque « Clair 2012 » dans le
Nouveau Brunswick au Canada. Du 9 au 11 février, au centre
d’apprentissage du Haut-Madawaska (C@HM), 250 participants, issus de
tous les degrés d’enseignement de la maternelle au doctorat mais aussi
des institutions politiques régionales, ont échangé leurs expériences et
leurs projets sur les profondes modifications des processus
d’apprentissages rendus possibles par l’arrivée du web 2.0 dans les
classes.
Provenant principalement du Canada, mais aussi
d’Ecosse et de Suisse, chercheurs de divers campus des universités de
Montréal, Laval, Québec et Mocton, ainsi que la HEP-
Fribourg, « techno-pédagogues », éducateurs du service public, de
l’enseignement spécialisé ou travaillant dans le secteur privé ont suivi
ce colloque dans un esprit de Bar-Camp. En effet, si les conférenciers
se sont illustrés par l’originalité de leur pratique et leur audace
intellectuelle, les larges périodes d’échanges entre les participants
ont également alimenté ce véritable ressourcement pédagogique.
Professeurs à la Haute Ecole Pédagogique de Fribourg, Christophe Gremion
et Samuel Heinzen témoignent de leur regard helvétique sur cette école
transformée par le web2.0.
Le C@HN une école active intégrant réellement les NTIC
Une
école publique, un plan d’études à suivre, des classes et des grilles
horaires comme partout et pourtant… nous croisons au gré de la visite
des classes des élèves travaillant leur français sur leur portable, des
ateliers de montage et de programmation de petits robots bardés de
détecteurs tournicotant en tous sens, une séance de relaxation quelques
couloirs plus loin, entre un studio de télévision et la répétition de
l’orchestre. Et oui, le programme est tenu, et oui les résultats
suivent, et oui les élèves sont motivés et réflexifs. Et nous,
pédagogues, sommes émerveillés devant ces enfants de 7 à 12 ans nous
expliquant comment fabriquer un pont, comment utiliser des applications
téléchargées en ligne pour préparer la présentation interactive de leur
prochain exposé de sciences, ou encore comment collaborer en ligne pour
résoudre une situation problème.
Alors qu’ont ces sacrés canadiens que nous n’avons pas ?
Hormis le sirop d’érable et une convivialité
exceptionnelle, rien de spécial. Les mêmes contraintes politiques, les
mêmes débats entre progressistes et conservateurs, les mêmes lourdeurs
administratives, les mêmes enjeux de collaboration parents-école. Leurs
pédagogues de référence sont les mêmes, leur ambition d’un développement
global de l’enfant aussi, entre le CAHN ou une helvétique Basisstuffe,
aucune différence significative. Mais ils osent le faire, ils
persévèrent et ils ont une équipe d’encadrement motivée, direction
comprise, qui va de l’avant et voilà le travail.
L'équipe, clé du succès
L’équipe, ou le « gang » en bon québécois, est
probablement la clef de leur succès. C’est pourquoi s’y retrouver
intégré le temps d’un Bar-Camp, se suivre sur twitter, continuer à
échanger sur des blogs constituent un profond moteur pédagogique,
alimenté par les témoignages de tous ceux qui ont osé, qui continuent
d’oser malgré ou grâce à leurs doutes, à leur esprit critique et à leur «
gang ».
Quatre conférenciers
Naturellement,
comme dans toute réunion thématique, comme dans tout colloque,
l’objectif principal de Clair2012 est la circulation d’informations ou
de bonnes pratiques, la mise en réseau des personnes et des idées. C’est
dans cet esprit que nous avons décidé de participer à cet événement.
Objectifs amplement atteints selon nous. Entre les moments d’observation
du travail des élèves, les échanges du Bar-Camp de samedi, les
présentations de posters ou les moments de convivialité autour d’un
repas ou d’un « vins – fromages », quatre conférenciers sont venus
rythmer, cadencer les débats. Leurs contributions ont été très riches et
complémentaires : Ron Canuel a plaidé pour un enseignant et une école
qui ose réaliser ses rêves, Ewan MacIntosh nous a conseillé de permettre
à l’école de faire « pour de vrai » et de manière authentique pour
motiver nos élèves, Pierre Poulin nous a laissé voir, nous a prouvé par
son expérience que cela était possible et Stephens Downes nous a exposé
sa vison des e-learning Generations.
Le "connectivisme"
Et c’est cette dernière intervention qui nous
interpella le plus, nous formateurs helvétiques, et à en croire les
tweets diffusés simultanément sur écran géant durant les communications,
bon nombre de participants ont également partagé cette impression. Il
faut dire que Stephen Downes est à lui seul un morceau d’histoire
vivante de l’e-learning. Il a non seulement été le témoin, mais surtout
l’un des artisans majeurs des évolutions de l’e-learning sur ces
dernières décennies. Pourtant, son idée est d’une simplicité
déconcertante : l’e-learning est en continuelle adaptation au
développement du web. Donc à un Web 2.0 correspond un e-learning 2.0,
soit un processus d’apprentissage qui se déploie dans et par les réseaux
sociaux. De ce fait, une mise à jour de notre compréhension, une
pédagogie 2.0, se développe tout naturellement dans la suite d’une
réflexivité axée sur les pratiques contemporaines. Identifiée sous
l’appellation de « connectivisme », le paradigme présenté par Stephen
Downes souligne la nature intrinsèquement pédagogique des réseaux
sociaux, échanges de questions, d’informations, d’innovations,
d’émotions, de problèmes autant que de solutions, et donc
d’apprentissages. Un pédagogie somme toute naturelle pour une société
2.0 à laquelle correspond de nouveaux processus didactiques comme le
Massive Open Online Curse (MOOC), un lieu de connexions à étages
multiples (tels que savoirs, communications, innovations) où chacun
construit son propre réseau de ressources pour développer ses
apprentissages. Une dimension très éloignée des contraintes de lieu,
d’âge ou d’origine, où apprendre se révèle comme un événement de
créativité sociale, autrement dit une pédagogie (enfin ?) adéquate à
notre époque.
En
fait, cette manière de voir l’apprentissage nous questionne sur notre
rôle de formateur, sur la construction de nos cours, sur la notion même
de cours : ne plus voir le Web 2.0 comme un outil mais comme la
matérialisation de notre activité, de notre mode de pensée ; ne plus
voir nos cours comme la planification de l’activité ou comme la
proposition de situations complexes, mais comme la mise à disposition
d’un environnement qui permette à l’apprentissage lui-même de s’auto
organiser ; ne plus se voir comme celui qui sait, qui décide ou même qui
orchestre, mais bien comme celui qui participe au même titre que ses
apprenants.
On apprend en réseau, on apprend par le
réseau, en en faisant partie, en y participant et en le créant … C’est
ainsi que nous avons appris à Clair2012 et c’est également dans ce sens
là que nous souhaitons faire évoluer notre école, ici en Suisse comme de
l’autre côté de l’Atlantique, à l’image de la déCLAIRation
Christophe Gremion et Samuel Heinzen
Liens :
Le site de Clair 2012
La Declaration
Notes :
Ronald J. Canuel, chef de la direction de
l’Association canadienne de l’éducation, « De 2003 à aujourd’hui où en
sommes-nous et avons-nous avancé, vraiment ? Impressionnant mais pas
convainquant »
Stephens Downes, chercheur au Conseil national de recherches Canada « E-learning générations »
Ewan MacIntosh, enseignant, conférencier et
consultant « Du studio à la classe : le design thinking pour transformer
notre vision de l’école
Pierre Poulin, enseignant et chargé de cours à l’UdeM et l’UQO« La e-classe, la classe où l’on raccroche ».
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